Passer un foulard sous un filet d’eau et l’enrouler autour de son crâne. Comme nombre d’habitants de Bamako, capitale du Mali, Aboubacar Pamateck se débrouille comme il peut pour affronter la canicule.
« Je bois beaucoup d’eau, j’ai mon turban que je mouille souvent », explique M. Pamateck. « J’évite même de porter des boubous en nylon, je préfère porter de petits boubous en coton pour éviter la forte chaleur », ajoute-t-il.
A l’instar d’autres pays du Sahel, le Mali et sa capitale Bamako ont connu début avril une vague de chaleur inédite, autant par sa durée que par son intensité.
Les températures ont dépassé les 45°C, avec un pic à 48,5 °C à Kayes, dans l’ouest du pays. Un record.
Quelques jours plus tard, les températures sont retombées à un niveau plus familier dans les rues de la capitale malienne, mais encore difficilement supportable : environ 43 degrés à l’ombre à la mi-journée.
Les avenues de la capitale sont écrasées par un soleil blanchâtre et les habitants suffoquent sous le ciel alourdi par la poussière en suspension.
« Sous cette chaleur, c’est très pénible », peste Ousmane Diarra, conducteur de taxi-moto à Bamako. « Mais nous sommes obligés de travailler ainsi ».
Classé parmi les pays les plus pauvres au monde, le Mali se trouve mal armé face aux vagues de chaleur. Des épisodes voués à s’intensifier en raison du changement climatique provoqué par les émissions de gaz à effet de serre, selon un rapport publié jeudi par le réseau scientifique World Weather Attribution (WWA).
Plongé dans une profonde crise sécuritaire, économique et politique, le pays vit au rythme des coupures d’électricité à cause de la vétusté de ses centrales et de la lourde dette qui grève la société d’énergie nationale.
Les coupures de courant incessantes limitent l’usage des ventilateurs et climatiseurs.
« Le soir venu, je me couche sur le toit avec ma famille, j’ai même acheté des éventails que je donne à ma famille pour qu’ils se ventilent souvent. C’est nécessaire », explique M. Pamateck.
– Surmortalité –
Les vagues de chaleur « figurent parmi les catastrophes naturelles les plus meurtrières », selon WWA. Malgré le manque de données disponibles dans les pays concernés, « il est probable qu’il y ait eu des centaines, voire des milliers de décès liés à la chaleur », estiment les scientifiques.
« Cette année, surtout ces derniers mois, nous avons rencontré de nombreux cas de personnes présentant une forte fièvre et une déshydratation », assure à l’AFP le docteur Ibrahim Fall, chef de l’unité de médecine au centre de référence de la commune 3 de Bamako.
« Nous sommes donc obligés de les hospitaliser, mais malheureusement, il y a un taux de mortalité très élevé en raison de ces fièvres et déshydratations, pouvant aller jusqu’à 50% », indique-t-il.
Les coupures d’électricité compliquent la prise en charge des malades. Le centre national de transfusions sanguines de Bamako avait demandé début avril aux établissements médicaux de « surseoir à toute transfusion non-indispensable » en raison de « délestages quotidiens et prolongés au-delà de 12 heures » par jour.
Les scientifiques estiment qu’une vague de chaleur comme celle qui a frappé le Mali et le Burkina Faso se produirait 10 fois plus fréquemment que dans le climat actuel en cas de réchauffement de la planète de 2°C supplémentaires, ce qui pourrait arriver entre 2040 et 2050, si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas rapidement stoppées, selon les estimations.
Avec AFP