Burkina: un an après le putsch, le régime militaire toujours confronté au défi sécuritaire

Burkina: un an après le putsch, le régime militaire toujours confronté au défi sécuritaire. DR

Après sa prise de pouvoir le 30 septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré se donnait « deux à trois mois » pour améliorer la situation sécuritaire au Burkina Faso, mais un an plus tard le pays est toujours la cible d’attaques jihadistes meurtrières.

Lors de ce putsch, le deuxième en huit mois dans le pays, le capitaine Traoré avait assuré que le règlement de « quelques petits problèmes logistiques » et de « considération » au sein de l’armée permettrait de reprendre la main.

En un an, le nouveau régime a concentré ses efforts sur une forte réponse sécuritaire face à ces attaques de groupes liés à Al-Qaida et l’Etat islamique: recrutement massif de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP, supplétifs civils de l’armée), achat de drones et hélicoptères, neutralisation de jihadistes et déplacements du président Traoré sur le terrain pour motiver les troupes.

Douze mois plus tard, « force est de reconnaître que le problème qui a justifié l’irruption du capitaine Traoré sur la scène politique nationale est loin d’être réglé », analyse dans un éditorial le journal privé burkinabè l’Observateur Paalga.

« L’arrivée d’Ibrahim Traoré avait suscité un grand espoir auprès des populations face à la situation sécuritaire. Beaucoup d’efforts ont été entrepris sur le terrain pour reconquérir des localités, mais la situation s’est considérablement dégradée », abonde pour l’AFP le spécialiste de la sécurité au Sahel, Lassina Diarra.

Les statistiques le confirment: selon l’ONG Acled qui répertorie les victimes de conflits dans le monde, les attaques ont tué plus de 17.000 personnes depuis 2015, et plus de 6.000 rien que depuis début 2023.

Si l’armée et les VDP sont les principales cibles de ces violences, les civils paient également un lourd tribut et plus de 6.000 écoles sont fermées dans le pays, près d’une sur quatre, selon le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC).

– « Pas d’échec » –

Deux millions de personnes ont été déplacées à cause des violences depuis 2015, mais fin août le gouvernement avait revendiqué le retour de plus de 190.000 d’entre elles dans leurs localités respectives, vantant une reconquête de territoires jadis occupés par des groupes jihadistes.

Et les partisans du régime saluent les « décisions fortes » prises par le capitaine Traoré, 35 ans.

« Il n’y a pas d’échec. Nos soldats étaient sous-équipés pour la lutte contre le terrorisme mais avec l’arrivée du capitaine Traoré, on a acquis d’énormes moyens », souligne Lassané Sawadogo, coordonnateur du Front pour la défense de la patrie, un mouvement pro-régime.

Mais au-delà des attaques jihadistes, d’autres voix s’élèvent pour dénoncer des exactions commises par les VDP ou les forces armées.

En avril, le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) avait affirmé que 136 personnes, dont des femmes et des enfants, avaient été tuées dans le village de Karma (nord), par des hommes portant des tenues de l’armée.

Une enquête avait été ouverte, le gouvernement avait fermement condamné des « actes ignobles et barbares » mais le capitaine Traoré avait appelé à éviter des « conclusions hâtives » accusant l’armée d’être responsable du massacre de Karma.

– Nouveaux partenaires –

Le recul de certaines libertés individuelles, inquiète également: l’Unité d’action syndicale qui regroupe les principaux syndicats du pays déplore « des cas d’enrôlements forcés, d’enlèvements, des suspensions de médias » tandis que dans son éditorial, l’Observateur Paalga assure que « tout le monde doit marcher au pas et gare à celui qui ne file pas droit ».

Ces douze derniers mois, plusieurs médias français ont été suspendus, comme RFI, France 24 ou Jeune Afrique et les correspondantes de Libération et du Monde ont été expulsées.

Le média burkinabè Radio Oméga a quant à lui été suspendu un mois pour avoir interviewé un opposant au régime militaire au Niger voisin.

Sur le plan diplomatique, le Burkina a choisi de diversifier ses partenaires internationaux depuis l’arrivée du capitaine Traoré au pouvoir.

D’abord en demandant aux soldats français présents sur leur territoire de plier bagage en février, puis en multipliant les contacts avec des pays comme l’Iran, la Russie ou le Venezuela.

En Afrique de l’Ouest, il a signé une charte établissant l’Alliance des Etats du Sahel (AES), une alliance de « défense collective et d’assistance mutuelle », avec le Mali et le Niger voisins, dirigés eux aussi par des militaires arrivés au pouvoir par des putschs.

« Le capitaine Traoré nous a libéré du joug de l’impérialisme. Qu’on le veuille ou non, il a beaucoup travaillé au cours des douze mois et on espère encore plus dans les mois à venir », assure Lassané Sawadogo.

Le régime peut pour l’heure compter sur le soutien d’une partie de la population, notamment des jeunes: mardi soir des milliers de personnes sont descendues dans les rues pour « défendre » le capitaine Traoré, après des rumeurs de coup d’Etat.

Le gouvernement a annoncé le lendemain avoir déjoué une tentative de putsch et quatre officiers ont été arrêtés.

La transition doit théoriquement durer jusqu’en juillet 2024, avec un retour des civils au pouvoir via une élection présidentielle.

En mai, le Premier ministre Apollinaire Joachimson Kyélem de Tambèla avait affirmé qu’il ne pourrait y avoir d’élections sans le retour de la sécurité.

Avec AFP

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